Né au temps de l’esclavage, puis récupéré par les femmes noires, le foulard qui est à l’origine du durag femme, est aujourd’hui une expression de style et d’identité.

Le foulard a subi plusieurs variations au cours de l’histoire. Ce couvre-chef tire son origine des tissus qui ornaient les têtes des femmes de l’Égypte ancienne et de l’Afrique subsaharienne. Il en est venu à représenter la lignée culturelle et historique que les Noirs américains ont entretenue avec le continent africain. Il est également devenu un puissant symbole de la beauté noire qui a été longtemps opposée à la féminité de la femme blanche.

 

Le foulard : l’ancienne version du durag femme

 

Au départ, le foulard n’était pas censé être l’expression de la résistance ou de la beauté des Noirs. Comme une insulte offensive née du racisme et de la suprématie blanche, il a été approprié par les personnes noires dont on cherchait à ignorer l’humanité. L’historienne Helen Bradley Gabriel explique que le symbolisme et les fonctions du foulard ont acquis un paradoxe de sens qui n’a pu être créé que dans le creuset de l’esclavage américain et de ses conséquences. En examinant les témoignages d’esclaves de cette période, Bradley Gabriel conclut que, bien que le foulard ait été assimilé à des significations et des objectifs différents au fil du temps, ce sont finalement les descendants des esclaves qui ont déterminé sa signification et son utilisation pour les générations futures. L’exemple le plus parlant est l’utilisation de nos jours, de cet accessoire capillaire : le durag femme

 

Portrait d'une femme noire portant un foulard de couleur noire

 

Une loi pour dévaloriser les cheveux des femmes noires

 

Avant la révolution américaine, les colonies européennes ont promulgué des lois pour distinguer les esclaves africains de leurs populations blanches en plein essor. Le but de cette législation était de consacrer la supériorité des Européens et un système économique qui exploitait le travail des esclaves africains. Sous domination britannique, la Caroline du Sud a adopté une loi « The Negro Act of 1975 ». Celle-ci énumérait le type de vêtements que les Noirs étaient autorisés à porter, interdisant par exemple tout ce qui était plus extravagant que « les tissus de couleur noir, le lin bleu, ou les plaids écossais ». Le gouverneur Esteban Rodriguez Miró de Louisiane, qui était encore une colonie espagnole, a fait passer un décret gouvernemental qui exigeait que les femmes noires portent leurs cheveux attachés dans un foulard ou un tignon. En outre, les femmes noires ne pouvaient pas porter les mêmes bijoux que les femmes blanches.

 

L’inquiétante attirance des femmes noires

 

L’obligation du port du foulard

 

Le gouverneur Miró était également préoccupé par l’attrait croissant des femmes créoles et biraciales, souvent appelées mulâtres, par des hommes d’origine européenne. En imposant le port du foulard, on voulait décourager les propriétaires de plantations et les maîtres d’esclaves de poursuivre les femmes qui étaient considérées comme inférieures à eux. En Afrique du Sud, des lois similaires ont été adoptées à la demande de maîtresses d’esclaves qui estimaient que le port du voile empêcherait les hommes blancs d’être attirés par des esclaves noires.

 

Une volonté de réprimer la beauté de la femme noire

 

Lors d’un entretien avec l’animateur radio sud-africain Eusebius McKaiser, l’économiste-sociologue Hlonipha Mokoena a souligné que ces lois avaient été faites au nom des femmes blanches. Celles-ci estimaient que les esclaves ayant différentes nuances de couleurs de peau et de nombreuses textures de cheveux, étaient une distraction pour les hommes blancs. Il y a des rapports et des exemples de femmes blanches qui rasent presque de force les cheveux d’esclaves noirs, avait déclaré Mokoena. Les femmes blanches se plaignaient que lorsqu’elles marchaient avec leurs esclaves, les hommes blancs ne savaient plus distinguer l’esclave de la maîtresse. Il était donc préférable d’avoir des femmes noires avec un foulard sur la tête.

 

Portrait d'une femme noire portant un foulard de couleur jaune

 

Une volonté politique : endiguer une éventuelle rébellion des esclaves noirs

 

Dans le Sud d’avant la guerre, les femmes noires asservies étaient obligées de porter un foulard ou un couvre-chef comme élément de leur uniforme. Si le tissu protégeait leurs cheveux des poux et de la transpiration lorsqu’elles travaillaient sous un soleil de plomb, il était également utilisé pour désigner leur statut d’infériorité. Les esclaves et les mulâtres blancs devaient également porter un couvre-chef pour ne pas passer pour des blancs. Les craintes concernant les conséquences de la violente convoitise des hommes blancs coïncidaient avec les soupçons d’une éventuelle rébellion noire. La réglementation du code vestimentaire de la population noire a permis à la société blanche de se sentir en contrôle et d’exercer son droit de réprimer toute désobéissance civile ou infraction à la loi perçue.

 

Le foulard : l’image d’une maman

 

Le voile fut associé à la représentation des femmes noires comme des « mamans » répondant aux besoins de leurs maîtres et maîtres blancs. Beaucoup de publicités ont popularisé l’image des femmes noires en tant que figures impertinentes, mais maternelles. Mais les efforts pour lier le code vestimentaire des descendants africains à leur statut inférieur sous la suprématie blanche ont créé un environnement où les esclaves ont adopté des moyens innovants pour s’exprimer sous la tyrannie de leurs maîtres. Ce qui était utilisé pour renforcer la supériorité de la société blanche est devenu un fier marqueur d’identité. Le foulard est rapidement devenu un moyen pour les femmes noires de se réapproprier leur propre sens de l’humanité.

 

Les débuts du défrisage capillaire

 

Au début du 20ème siècle, les premiers défrisants chimiques ont été introduits dans les soins capillaires pour les Noirs par des femmes d’affaires telles que C.J. Walker ou Annie Malone. Cependant, ces coiffures traitées chimiquement ont été critiquées par certains militants comme Booker T. Washington, expliquant que cela encourageait l’internalisation des normes de beauté européennes.

 

Le durag femme : une variante du foulard

 

Une variante du foulard appelé « durag », qui se caractérise comme étant une coiffe à pression, était utilisé à l’époque pour protéger les cheveux traités chimiquement contre la sueur, l’eau et la poussière. « Etnic Dress in the United States », une encyclopédie culturelle, cite les années 1930 comme la première période où le durag a été utilisé, de plus en plus par les hommes noirs, pour maintenir des coiffures telles que le conk. Une coiffure issue du défrisage, formant des waves sur la tête. Le conk était surtout porté par des musiciens de jazz comme Edith South

 

Femme noire qui porte un durag femme de couleur orange

 

Le foulard et le durag femme : des symboles d’identité encrés

 

Alors que les traitements chimiques de cheveux diminuaient avec la montée du mouvement Black Power à la fin des années 1960 et dans les années 1970, le foulard et le durag femme sont restés des produits culturels de base de la mode américaine, ce dernier gagnant en importance avec l’essor du hip-hop dans les années 1980. Ce qui était autrefois un simple tissu destiné à renforcer le statut inférieur des Noirs américains est aujourd’hui une puissante expression de l’identité.

 

Femme noire qui porte un durag femme de couleur rose

 

Le durag femme : un accessoire capillaire très tendance

 

Le durag aide les femmes à garder leur coiffure comme les tresses. Cependant, le durag est rapidement devenu une tendance de mode pour les femmes également. Du durag à cristaux Swarovski de Rihanna lors de la remise des prix du Council of Fashion Designers of America en 2014, à la couverture de magazines spécialisés sur la beauté noire, nous devons admettre que les femmes donnent un bel aspect au durag. Le durag femme a définitivement changé le paysage de la mode.

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